Kandinsky-1913

Commémorer 1913 et la modernité

Kandinsky-1913

Le centenaire de l’année 1913 est commémoré par plusieurs événements universitaires et médiatiques centrés sur le phénomène de la modernité : en avril 2013, un colloque à l’université Princeton s’interrogeait sur le phénomène du modernisme en France; un autre en juillet au Centre culturel international de Cerisy en France était organisé sous le titre 1913 Cent ans après : enchantement et désenchantement; la semaine du 29 juillet au 3 août, une série de quinze émissions sur L’été 1913 étaient diffusées à la radio de France Culture, des productions écoutables en tout temps pendant trois ans et postcastables durant un an. Pourquoi s’arrêter à cette année en particulier ?

L’année 1913 fut particulièrement prolifique en littérature et en arts, alors que Paris était encore la capitale culturelle du monde. Mentionnons entre autres parmi les événements qui bouleversèrent les genres et les formes, la publication par Marcel Proust du premier tome de son roman À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, la fabrication par Marcel Duchamp du premier ready-made, le passage à l’abstraction par Wassily Kandinsky, la création du Sacre du printemps par les Ballets russes. Ce ballet qui fit scandale était représenté sur une scène inaugurée peu de temps auparavant, le théâtre des Champs-Élysées, un édifice en béton dont l’histoire ferait couler pas mal d’encre, Henri Van de Velde et Auguste Perret se disputant sa paternité. En 1913, l’effervescence artistique s’importa outre-Atlantique où s’ouvrit l’Armoury Show à New York, une exposition qui fit scandale et marqua la naissance de l’art moderne aux États-Unis.

Soulignons que l’année prend tout son sens rétrospectivement. C’est la dernière avant la Grande Guerre qui serait déclarée l’été suivant, contre toute attente pour beaucoup. L’extraordinaire floraison artistique et littéraire justifiait une «grande espérance», tout comme l’essor de la seconde Révolution industrielle qui bouleversait la vie quotidienne, avec la distribution de l’électricité et la production en série des premières automobiles notamment : une confiance en l’avenir qu’ébranlerait la violence meurtrière du premier conflit mondial.

Remarquons que dans le cadre de ces initiatives, l’architecture ne retient que peu ou pas l’attention. Il faut noter que les avant-gardes architecturales sont quelque peu décalées dans le temps par rapport aux artistiques. 1913 est néanmoins l’année où le jeune architecte Walter Gropuis termina l’usine Fagus à Alfeld, en Allemange, et celle où il publia un article sur l’architecture industrielle moderne dans l’annuel des Deutschen Werkbundes, un texte illustré d’usines et d’élévateurs américains, dont le silo n° 2 du port de Montréal.

Alfeld Fagus-Werke 1-2005

Au Québec, 1913 est associé à la sortie à Paris du célèbre roman régionaliste Maria Chapdelaine. En architecture, l’année n’est pas particulièrement marquante en regard de la production bâtie, plusieurs édifices importants ayant été inaugurés en 1912 ou étant en chantier. Par contre, un projet ferait date celui de l’agence américaine Warren and Wetmore pour la gare du Canadian Northern. Au Canada, il innovait en superposant le hall de gare aux quais et en lui associant un ambitieux développement immobilier formé de plusieurs tall buildings. Ce type novateur sur le plan fonctionnel et technique introduit à la fin XXe du siècle aux États-Unis trouve dans l’immeuble du Trust Royal sur la place d’Armes terminé en 1912 un exemple. Le projet du CN qui serait plusieurs fois actualisé et dont l’achèvement prendrait des décennies est à l’origine de la modernité urbaine montréalaise tridimensionnelle célébrée par la presse et la critique architecturales des années 1960 et 1970. FVL 2013-08-05

Pour aller plus loin

Garrigou-Lagrande, Matthieu, «La Grande traversée : l’année 1913», France Culture, en ligne. Consulté le 5 août 2013.

Gournay, Isabelle et France Vanlaethem, directrices, Montréal métropole, 1880-1930, Montréal, Centre canadien d’architecture/Boréal, 1998, 222 pages, illus.

Princeton University, Department of French and Italian, 1913 The Year of French Modernism. An international Conference, April 19-20, 2013en ligne. Consulté le 5 août 2013.

Vanlaethem, France, «Le silo à grain en béton, un modèle idéal pour l’architecture moderne», Jacques Lecours, direction, Actes de la journée d’étude sur l’avenir du Silo 5 du port de Montréal, Montréal, Association québécoise pour le patrimoine industriel, s.d., p. 23-28.

 

Le centenaire de l’année 1913 est commémoré par plusieurs événements universitaires et médiatiques centrés sur le phénomène de la modernité : en avril 2013, un colloque à l’université Princeton s’interrogeait …

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