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Casablanca Chandigarh, à ne pas manquer au CCA

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Jusqu’à il y a peu, l’architecture moderne des pays non occidentaux nous était presque exclusivement connue à travers le prisme des oeuvres de quelques grands architectes, tels Louis Kahn ou Le Corbusier. Dans l’exposition sur Casablanca et Chandigarh récemment inaugurée au CCA, ce dernier est certes présent à titre d’architecte en chef de la nouvelle capitale de l’État du Pendjab indien dont il esquissa le plan en quelques jours à l’automne 1951. Cependant sa contribution mise en contexte n’oblitère pas celle de ses collaborateurs, en particulier celle de Pierre Jeanneret qui avait été son second rue de Sèvres avant la guerre et dont les archives furent récemment acquises par le CCA. Il en est de même pour Michel Écochard qui fut le directeur du Service d’urbanisme du Maroc entre 1946 et 1953 et qui s’entoura pour réaliser ses plans, notamment à Casablanca, de jeunes architectes français, suisses et marocains.

La problématique politique et sociale que résume le long titre de l’exposition, oriente le parcours du visiteur. D’entrée de jeu, passé le hall et l’introduction, la scène internationale configurée par la décolonisation est dressée et l’apport des professionnels de l’architecture et de l’urbanisme à l’aménagement des villes et à l’amélioration de l’habitat des jeunes États-Nations est esquissé par la présentation de rapports, brochures et publications. Sur les murs trois grandes cartes du monde schématisent la nouvelle réalité géopolitique qui ouvre la commande aux missions techniques soutenues par les Nations Unies et des organismes telle la Ford Fondation, des interventions menées sur fond de Guerre froide. Dans la salle arrière, les grilles CIAM élaborées pour le congrès d’architecture moderne d’Aix-en-Provence de 1953 reproduites à échelle grandeur sont les traits d’union vers la présentation de l’urbanisation de chacune des villes. Ces documents témoignent de la volonté de connaître le milieu avant d’aménager le territoire et de concevoir les nouveaux quartiers d’habitation, et donc du plus ou moins grand écart établi avec la charte d’Athènes rédigée par Le Corbusier à la suite du congrès de 1933 sur la ville fonctionnelle. L’exposition se termine avec la présentation des projets proposés en matière d’habitat pour chacune des villes, avec en contrepoint deux séries de photographies contemporaines illustrant l’appropriation par les habitants, respectivement prises par Yto Barrada à Casablanca et Takashi Homma à Chandigarh.

Casablanca Chandigarh est une «exposition de recherche» relevant des études postcoloniales qui, à l’exemple d’autres domaines, renouvellent depuis une dizaine d’années l’histoire de l’architecture moderne en faisant éclater le point de vue étroitement occidental. Ses commissaires sont Maristella Casciato et Tom Avermaete. Ce dernier, professeur d’architecture à l’Université de technologie de Delft aux Pays-Bas, a publié de nombreux ouvrages sur la modernité d’après-guerre, notamment Another Modern: the Post-War Architecture and Urbanism of Candilis-Josic-Woods (2005) et Colonial Modern: Aesthetics fo the Past, Rebellions for the Future (2011). Maristella Casciato est bien connue dans le réseau de Docomomo International dont elle a présidé les travaux de 2002 à 2010, des années qui ont correspondu à l’élargissement de l’horizon de l’organisation avec la tenue de la première conférence en Asie, en Turquie en 2006, et avec la sortie de numéros du Docomomo Journal consacrés aux modernités non occidentales. Après avoir été professeure à l’École d’architecture de l’Université de Bologne en Italie, elle est aujourd’hui directeur associé du Centre d’études du CCA. La scénographie de l’exposition très réussie étant donné le nombre et la taille parfois bien petite des documents, est signée par l’atelier Bow-Bow de Tokyo. FVL 7-12-2013

L’exposition intitulée Comment les architectes, les experts, les politiciens, les agences internationales et les citoyens négocient l’urbanisme moderne : Casablanca Chandigarh est présentée au Centre Canadien d’Architecture, du 26 novembre 2013 au 20 avril 2014.

Soulignons qu’il est possible de visiter l’exposition au son des voix des commissaires en téléchargeant un audioguide sur un téléphone intelligent.

Pour en savoir plus

Casamémoire. Association de sauvegarde du patrimoine architectural du XXe siècle au Maroc, en ligne.

Casciato, Maristella et Tom Avermaete, Comment les architectes, les experts, les politiciens, les agences internationales et les citoyens négocient l’urbanisme moderne : Casablanca Chandigarh, Montréal, CCA, Zurich, Park Books, 2014 (parution prévue pour février).

Centre Canadien d’architecture, «Collection : Premier tour d’horizon sur les fonds de Pierre Jeanneret», en ligne.

Lagae, Johan, « Discipline autonome ou pratique instrumentale ? L’architecture d’après-guerre en Afrique », Perspective, n°1, 2011, 580-586, en ligne.

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