ACD40167-2-72ppp

Une oeuvre de Claude Vermette à l’hôpital Saint-Luc

ACD40167-2-72ppp

L’architecture médicale est un patrimoine peu valorisé, encore moins l’architecture médicale du mouvement moderne. Il suffit de voir leur quasi-absence dans les inventaires patrimoniaux, le peu de monographies existantes à leur sujet, etc. Certes, la qualité de ces bâtiments ne motive pas toujours une étude approfondie. Cependant, l’hôpital Saint-Luc (CHUM) à Montréal doit rester sous surveillance. Notamment afin d’assurer la protection des céramiques localisée à l’entrée principale, à l’angle des rues Saint-Denis et René-Lévesque.

Saint-Luc ne jouit d’aucun statut de protection. La quasi-totalité de l’ensemble des bâtiments qui constitue Saint-Luc sera détruite d’ici 2020 pour laisser place au nouveau CHUM, c’est-à-dire les ailes construites entre les rues De La Gauchetière, Sainte-Élizabeth, René-Lévesque et Saint-Denis. Érigées en un seul volume rectangulaire, qui s’étire tout au long du boulevard René-Lévesque, les ailes nord de briques jaunes et blanches datent les années 1960. Un projet de l’architecte Henri S. Labelle qui avait travaillé auparavant sur l’hôpital Sainte-Justine (1955-57).

Selon les esquisses retrouvées à la Division des services techniques de Saint-Luc, ce volume prévoyait initialement se terminer en porte-à-faux sur trois colonnes de béton armé. Les murs de l’entrée, sous le bâtiment, se devaient d’être vitrés. La conception finale fut toute autre. Certes, les colonnes ont été réalisées en béton armé, mais elles furent recouvertes de céramiques, tout comme le mur sud de l’entrée. Les portes et le mur nord de l’entrée principal sont vitrés comme prévu. L’effet de transparence et le dialogue avec la rue n’ont pu être réalisés tel que souhaité par Labelle.

Or, la murale de céramique du mur sud et le revêtement des colonnes en céramique abritées par l’entrée extérieure sont une plus-value au lieu. Qui plus est, ces céramiques de couleurs terre se sont avérées être une des œuvres de l’artiste Claude Vermette (1930-2006). Vermette est un artiste multidisciplinaire et surtout un des céramistes pionniers ayant travaillé en collaboration étroite avec des architectes pour des projets intérieurs, tels les stations de métro Place-des-Arts, Berri-UQÀM et Peel (en collaboration avec Jean-Paul Mousseau) dans la décennie 1960.

De plus, Vermette se démarque par son travail auprès d’architectes souhaitant inclure de la couleur à l’extérieur de leurs bâtiments. Vermette désirait intégrer son art au projet architectural, et non simplement appliquer ses œuvres aux bâtiments. Pensons par exemple à son premier travail auprès du pavillon du Lac-aux-Castors (1958) dans la même veine que celui de l’entrée de l’hôpital Saint-Luc, puis aux cinq nouvelles murales extérieures en aluminium émaillé apposées à l’extérieur du pavillon du Lac-aux-Castors rénové dont l’inauguration s’est faite par la ville en 2006.

Selon nos recherches et notre entrevue avec Danielle Doucet spécialisée dans l’intégration de l’art à l’architecture et affiliée à l’UQÀM, Vermette a conçu, en plus de ses œuvres dans le métro, des murales extérieures pour des commerces, des aéroports, dont Dorval (murale intérieure, 1959-60), des écoles, dont pour le Centre du collège Notre-Dame (1958) et l’école secondaire Régina Mundi (1959) ainsi que des résidences personnelles, dont la maison Gaston Laurion (1954-55) conçue par Roger D’Astous (1926-1988).

ACD40161- 72 ppp

La coopération de Vermette à des projets interdisciplinaires se trouve au cœur de sa démarche artistique. Sa rencontre avec l’architecte, urbaniste et designer Alvar Alto (1898-1976) en 1957 semble des plus marquantes. Vermette se penchera par la suite sur les caractéristiques de matériaux pouvant résister aux quatre saisons ainsi qu’à la lumière naturelle.

Le registre multicolore du revêtement des colonnes à Saint-Luc est moins habituel chez Vermette. Cependant, la murale sur le mur sud, davantage monochrome et dans les teintes d’orangé, ainsi que la qualité de la composition et la finition de l’ensemble des céramiques sont des caractéristiques somme toute récurrentes dans les œuvres de Vermette, surtout de cette période. En effet, de ses murales qui ornent le métro montréalais, certaines techniques et coloris font penser aux céramiques de l’hôpital Saint-Luc, dont le revêtement en céramique aux motifs orangés du métro Beaubien. Ces œuvres ont une certaine familiarité esthétique avec celle de Saint-Luc dans les tons riches d’automne, les textures, les formes travaillées sur le long, à la verticale, ainsi que dans l’utilisation du même matériau, le grès.

Ainsi, sans être des œuvres exceptionnelles du curriculum de Vermette, les céramiques de Saint-Luc sont représentatives de leur époque, autant pour l’art de la céramique que pour la discipline de l’architecture. Situées en dessous du bâtiment, elles nécessitent un nettoyage sans toutefois devoir recourir à une grande restauration. Incrustées sur du béton armé, les céramiques de Vermette semblent pouvoir se déplacer difficilement. Une des solutions serait de garder ces céramiques où elles sont et les intégrer in extremis dans le projet du nouveau CHUM.

En somme, devant cette redécouverte de l’œuvre de Vermette, le CHUM devrait se pencher sur l’avenir des céramiques ainsi que les scénarios possibles de préservation. Pour l’instant, l’ensemble des bâtiments disparaîtra d’ici 2020. ACD 16-04-2014

 


Pour aller plus loin …

C.-Desfossés, Andréanne, «Entrevue avec Danielle Doucet», mercredi le 29 janvier 2014.

«Claude Vermette, R.C.A. (1930-2006)», Galerie Bernarden ligne, consulté le 2 décembre 2013.

Giroux, Louise (sous la dir. de), Les intégrations murales de Claude Vermette, catalogue d’exposition (Château Dufresne, Musée des arts décoratifs de Montréal, 9 juin ­ 4 septembre 1988), 1988.

« Joseph Sawyer », Architecture, Bâtiment, Construction, vol. XX, no 83, mars 1953, p. 20-34.

Landry, Armour, « La céramique au service de l’architecte », Architecture, Bâtiment, Construction, vol. IX, no 96, avril 1954, p. 33-34.

Les oeuvres de Vermette dans le métro: Saint-LaurentBerri-UQAM/quai Longueuil.

L’oeuvre sans titre de Claude Vermette, pavillon du Lac-aux-Castors, Le Site officiel du Mont-Royalen ligne.

Pelletier, Geneviève, «Jean-Paul Mousseau et Claude Vermette à la recherche d’une sensibilité commune»,Metro borduasen ligne, consulté le 2 décembre 2013.

Wagner, Valérie, «3 oeuvres en marge du 1%», sans échelle Valérie Wagner, en ligne.

 

 

L’architecture médicale est un patrimoine peu valorisé, encore moins l’architecture médicale du mouvement moderne. Il suffit de voir leur quasi-absence dans les inventaires patrimoniaux, le peu de monographies existantes à …

pour aller plus loin

articles