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Une «perle», un «Picasso»: faut-il sauver Notre-Dame-de-Fatima?

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Il  y avait une centaine de citoyens présents mercredi soir, le 19 décembre, pour assister à une séance d’information sur l’avenir menacé de l’église Notre-Dame de Fatima de l’arrondissement Jonquière, à Saguenay.

Le Comité consultatif d’urbanisme de Saguenay était l’organisateur de cette rencontre qui lui donnait l’occasion de sonder l’intérêt des citoyens pour la préservation de ce bâtiment unique dans l’histoire de l’architecture au Saguenay, au Québec… et même ailleurs.

En principe, le CCU doit soumettre une recommandation au  conseil municipal de Saguenay quant au maintien de la désignation patrimoniale accordée par la Ville en 2006, et dont la suppression signifierait à court terme la démolition du bâtiment.

Plusieurs citoyens se sont portés à la défense de l’église, œuvre des architectes Léonce Desgagné et Paul-Marie Côté, qui a acquis au cours des années une reconnaissance mondiale. «On a un Picasso devant les yeux, et on ne s’en aperçoit pas», a dit un des participants à la rencontre d’information.

Invoquant la détérioration importante du bâtiment ainsi que l’enlèvement obligé – et terriblement coûteux – de l’amiante, le promoteur privé veut obtenir la permission de démolir l’église patrimoniale pour construire des maisons. Si la Ville lui refuse cette permission, il demande qu’elle prenne alors en charge elle-même le bâtiment.

La semaine dernière, le ministre Sylvain Gaudreault, député de Jonquière et ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, a invité la population de Saguenay à manifester son intérêt pour la sauvegarde du bâtiment qu’il a qualifié de «perle architecturale». Lui-même s’est dit personnellement convaincu qu’il fallait sauver l’église de la démolition et s’est dit prêt à intervenir dans la dossier, si la population montre un intérêt pour la sauvegarde du bâtiment.

En milieu de semaine, l’Ordre des architectes du Québec, par la voix de son président André Bourassa, s’est réjoui de l’intervention du député de Jonquière.

«Ce bâtiment, écrit M. Bourassa, illustre avec éclat le renouveau de l’architecture au Québec, qui s’inscrit lui-même dans la modernité issue de la Révolution tranquille. Il faut conserver ce témoin de l’histoire qui marque le paysage de façon unique.»

L’ancien lieu de culte a été désacralisé en 2006 et fait l’objet depuis d’un règlement municipal de protection et de mise en valeur. L’église avait d’abord été achetée par une corporation autochtone qui voulait en faire un «lieu de spiritualité». Ce projet a avorté et les acquéreurs privés du site ont proposé en 2010 un premier projet de développement d’un projet d’habitation multi-générationnel qui n’a pu atteindre le marché pour des raisons administratives et légales.

En 2011, un nouveau projet proposait  la construction de 40 maisons de ville autour de l’église qui devait être recyclée en condos. Cette dernière proposition a également avorté, quand il est devenu évident que la réfection du bâtiment remis aux normes ainsi que l’enlèvement de l’amiante se ferait à un  coût prohibitif, selon les promoteurs. Mais des maisons de ville ont été construites aux pieds de l’église…

L’édifice est pratiquement abandonné depuis 2006 et non chauffé l’hiver. Selon Le Quotidien de Chicoutimi, les lieux sont envahis par l’humidité, les murs se détériorent à l’intérieur et à l’extérieur, il y a des trous de carottage dans la parois et les vitraux ont commencé à s’effondrer.

M. Bourassa a également fait appel à la Ville de Saguenay dont les administrateurs doivent se rappeler que «le rôle d’une administration publique est aussi de montrer l’exemple lorsqu’un pan de son patrimoine culturel est en danger. (…) Au-delà des intentions du promoteur, aussi louables soient-elles, il appartient à la communauté de se mobiliser. La Ville et ses citoyens doivent d’abord faire de la sauvegarde de ce bâtiment patrimonial un projet collectif, si tant est que la volonté soit au rendez-vous. Il s’agira ensuite de trouver un nouvel usage à ce lieu emblématique, de réunir les moyens et, finalement, de mettre en oeuvre un projet qui respecte l’intégrité du bâtiment», écrit encore M. Bourassa.

On peut lire dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec, que «le site du patrimoine de l’Église-de-Notre-Dame-de-Fatima est un ensemble religieux de tradition catholique comprenant une église et un presbytère. Érigés en 1962 et 1963, les deux bâtiments sont accolés. L’église est une construction moderne en béton recouvert de crépi blanc, qui évoque la forme d’un tipi. De plan centré, elle est composée de deux demi-cônes décalés l’un par rapport à l’autre. Un des volumes se prolonge en une flèche terminée par une croix. L’édifice ne comporte aucune fenêtre, mis à part deux larges bandeaux de verre verticaux occupant le vide créé par le décalage des deux formes. Le presbytère comprend deux volumes rectangulaires de deux étages en béton, formant un plan en « T » et coiffés de toits plats. Il encadre l’église au sud et à l’est. Le site est implanté sur un terrain paysager, légèrement en retrait de la voie publique, dans l’arrondissement municipal de Jonquière de la ville de Saguenay.»

Le site a fait l’objet d’une certaine intervention : les arbres qui faisaient partie de l’aménagement paysager de l’ensemble ont été rasés pour faire place à quatre maisons de ville maintenant occupées par leurs nouveaux propriétaires.

L’un de ces propriétaires s’est fait entendre au cours de la réunion du CCU, le 19 décembre, reprochant à la Ville de Saguenay ses contradictions dans le dossier. «Vous avez accepté qu’il y ait du développement résidentiel à cet endroit, a-t-il dit, et maintenant vous voulez garder l’église, mais vous ne voulez pas nous dire ce que vous allez faire avec. Nous n’avons pas acheté sous cette représentation. Votre souci de conservation, vous ne trouvez pas qu’il arrive un peu tard? Il faudrait aussi se soucier des quatre personnes qui ont mis leurs économies ici.»

Le CCU doit remettre son rapport au conseil municipal de Saguenay vers la fin du mois de janvier. Le 4 février, les conseillers municipaux décideront s’ils préservent le statut patrimonial du bâtiment. On sait que la Ville a déjà décidé au début de décembre de soustraire le site de l’église du programme triennal d’immobilisation.

Le président du CCU, le conseiller municipal Georges Bouchard qui présentera le rapport de l‘organisme consultatif au conseil municipal, a laissé entendre que la décision pourrait toutefois être reportée en mars ou en avril 2013. MD 21-12-2012

Sources

«Pas de décisions avant le mois d’avril», Le Quotidien, jeudi 20 décembre 2012, p. 8

«Citoyens tourmentés», Le Quotidien, mercredi 19 décembre 2012, p. 20

«Un joyau architectural», Le Quotidien, mercredi 19 décembre 2012, p. 10

«Si on ne peut pas la démolir, elle va rester là», Le Quotidien, samedi 15 décembre 2012, p. 6

«Le ministre Sylvain Gaudreault aimerait  assurer la survie de l’ancienne église», Le Quotidien, samedi 15 décembre, p. 6

«Condamnée à la démolition», Le Quotidien, 7 novembre 2012.


 

POUR ALLER PLUS LOIN

Répertoire du patrimoine culturel du Québec, < http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/> (consulté le 7 novembre 2012)

Luc Noppen et Lucie K. Morisset, Jonquière, mémoire et lieux, Jonquière, Ville de Jonquière, 1994, p. 34-35.

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