SquareViger-Pergola
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Pergolas est du square Viger, Montréal.::Crédits: FVL, juin 2015.

Agora de Charles Daudelin démoli

La rénovation du square Viger sera le legs de la Ville de Montréal à la population pour son 375e anniversaire ? Plus facile à aménager d’ici 2017 que le recouvrement de l’autoroute face à l’hôtel de ville dont l’infrastructure dépend du ministère des Transports du Québec. Peu de chance de pouvoir profiter de la nouvelle place d’ici deux ans. La destruction d’Agora annoncée en conférence de presse le 5 juin dernier, menace l’oeuvre de Charles Daudelin depuis des années.

Force est de constater que le square Viger moderne a mauvaise presse et mauvaise réputation. En réaction à l’inscription par Héritage Montréal d’Agora parmi les sites emblématiques menacés, le journaliste de La Presse, François Cardinal, n’écrivait-il sur son blogue «Protéger le square Viger ? Rasons-le, plutôt ?». Le voilà satisfait. En août 2013, Le Devoir affirmait : «Le square Viger, le mal-aimé de l’art public». La journaliste Frédérique Doyon donnait la parole aux septiques et aux défenseurs: la directrice du Bureau d’art public de Montréal mentionnait le vice de construction de Mastodo; Christian Bédard du Rassemblement des artistes en arts visuels (RAAV) rappelait le caractère novateur d’Agora et la contribution majeure de Charles Daudelin à la notion d’intégration de l’art à l’architecture.

Comme plusieurs édifices et sites modernes, le square Viger est victime de la nostalgie; le tenaille le regret de ce que sa construction a fait disparaître, même si on ne l’a pas connu. Bien des gens sont en manque du square du XIXe siècle qui s’impose à la mémoire comme un «jardin» et un haut lieu de sociabilité. Mais c’est oublier que le succès des places publiques ne tient pas uniquement à leur caractère propre, qu’il dépend de la vitalité du quartier qui le contient, le quartier Latin. Le square Viger dont l’aménagement remonte à 1848 favorisa le développement résidentiel à l’est du faubourg Saint-Laurent, aux abords de la cathédrale Saint-Jacques de Montréal érigée en 1824. Au tournant du siècle, l’implantation de grandes institutions canadiennes-françaises d’enseignement supérieur donneraient une nouvelle vitalité à ce secteur, notaient celles de la succursale montréalaise de l’Université Laval en 1893 et de l’École des hautes études commerciales en 1907, sur la rive nord du square, en face de la gare-hôtel Viger. La construction de cette dernière avait confirmé le statut central du quartier qui rivalisait avec son pendant anglo-protestant que polarisaient les squares Philipps et Dominion plus à l’ouest.

Le square Viger moderne souffre encore d’autres tares. Son aménagement est lié au percement dans les années 1970 de l’autoroute est-ouest, responsable de tant de «quartiers disparus». Son matériau principal est le matériau moderne le plus honni, le béton. Et sa fréquentation est douteuse, sinon dangereuse : sous ses pergolas, bien des sans-abris ont trouvé refuge. Que peuvent contre toutes ces représentations négatives, les arguments en faveur du square Viger moderne ?

Peu importe qu’Agora soit une oeuvre de Charles Daudelin, un des plus grands artistes québécois du XXe siècle. Si elle était conservée dans un musée, il ne pourrait être question de la détruire, mais, dans l’espace public, il en va autrement. Cela ne semble pas émouvoir grand monde, même pas les directeurs de musée. Dire qu’au siècle dernier, les artistes militèrent pour que l’art sorte des musées pour rejoindre le grand public, en s’intégrant notamment à l’architecture et à la ville!

Peu importe qu’après des années d’efforts collectifs pour revitaliser le quartier Latin, l’arrivée du CHUM au coin de la rue Saint-Denis et de l’avenue Viger bouleverse la donne urbaine. Il n’est plus temps de donner une dernière chance à Agora, en lui procurant l’entretien dont elle est privée depuis des années. Du mobilier urbain, il ne reste que les socles, le dallage est abîmé en bien des endroits, l’eau de la fontaine est tarie… Les élus ont d’autres intentions: faire table rase de l’existant pour éloigner les indésirables d’un quartier en pleine renaissance et faire revivre le square du XIXe siècle. La restauration de Mastodo n’est qu’un prétexte: isolée, privée de son environnement, la fontaine perdra une grande part de sa valeur.

Peu importe qu’Agora soit une oeuvre de Charles Daudelin, un des plus grands artistes québécois du XXe siècle. Si elle était conservée dans un musée, il ne pourrait être question de la détruire, mais, dans l’espace public, il en va autrement.

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L'Agora le long de Saint-Denis, Montréal.::Crédits: FVL, juin 2015.
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La fontaine Mastodo, square Viger, Montréal. Crédits: FVL, juin 2015.

pour aller plus loin

Bédard, Christian, «L’AGORA de Daudelin voué à la destruction par la Ville de Montréal», RAAV, 5 juin 2015, en ligne.

Benoît, Michèle et Roger Gratton, Pignon sur rue. Les Quartiers de Montréal, Montréal, Guérin, 1991, 393 pages, ill.

Choko, Marc H., Les grandes places publiques de Montréal, Montréal, Méridien, 1987, 215 pages, ill.

Corriveau, Jeanne, «L’«Agora» du square Viger sera détruite», Le Devoir, 5 juin 2015, en ligne.

Gournay, Isabelle et France Vanlaethem, directrices, Montréal métropole, 1880-1930, Montréal, Centre canadien d’architecture/Boréal, 1998, 222 pages, ill.

Normandin, Pierre-André, «Montréal va démolir l'agora du square Viger», La Presse.ca, 5 juin 2015, en ligne.

«L'agora du square Viger sera détruite», Ici Rdio-Canada.ca, en ligne.

Pineda, Améli, «Montréal démolit l'oeuvre de Daudelin», TVA Nouvelles, 5 juin 2015, en ligne.

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