Villa Empain, Bruxelles, 1930-1934
La villa que le baron Louis Empain se fit construire en 1930 dans le chic quartier du Solboch à Bruxelles, est à la fois classique et moderne. Son projet relève de la tradition héritée de l’antiquité par sa monumentalité, son plan centré, la composition symétrique de ses façades et la mise en oeuvre de matériaux nobles, alors que par la sobriété de son décor, elle se rapproche des productions radicales de l’avant-garde. Son épiderme extérieur en parement de granit privé de modénature, si ce n’est les cornières de laiton qui ourlent les coins du bâtiment et le bord des baies, présente une facture architecturale proche de l’hôtel érigé par le banquier Adolphe Stoclet dans la capitale belge entre 1905-1912, une réalisation que certains auteurs situent à l’origine de l’Art déco.
Quand il passa commande à l’architecte suisse Michel Polak, Louis Empain avait à peine 22 ans. Il venait de perdre son père, Édouard Empain, qui lui avait légué à lui et à son frère un puissant empire financier et industriel édifié à des fructueuses affaires menées principalement dans le secteur du transport à traction électrique. En Europe, en Asie et en Afrique, cet inlassable entrepreneur annobli par le roi Léopold II en 1907, avait construit et exploité des réseaux, le plus connu étant le métropolitain de Paris dont la Compagnie générale de traction avait décroché le marché en 1897. Louis Empain n’habita pas longtemps sa somptueuse demeure, certains disent jamais. En 1934, alors qu’elle était terminée, il était pleinement absorbé par ses projets canadiens. Aussi, en 1937, il la céda à l’État belge pour y créer un musée en lien avec l’École des arts décoratifs de La Cambre fondée dix ans plus tôt par Henry Van de Velde.
Plus jamais la villa ne retrouverait sa vocation initiale, même après que Louis Empain l’ait récupéré dans les années 1960 vu un usage non conforme aux objectifs de la donation. Dix ans plus tard, il la vendit à une société qui la louerait. Dans les premières années du nouveau siècle, malgré qu’elle était inscrite sur la Liste de sauvegarde du patrimoine bruxellois, la résidence fut partiellement détruite et subit de nombreux actes de vandalisme. Cependant, grâce aux frères Boghossian qui en firent l’acquisition en 2006 afin d’y installer le siège de leur fondation familiale, elle fut sauvée. Restaurée sous la direction des architectes Philippe De Bloos et Francis Metzger (agence MA2) en 2008-2010, elle a retrouvé toute sa splendeur pour abriter un centre d’art et de dialogue entre les cultures d’Orient et d’Occident. Les ouvrages de ferronerie d’art aux motifs géométriques qui l’ornent sont de l’artisan français Edgard Brandt, un collaborateur de l’architecte Ernest Cormier dans le cadre du chantier de l’annexe au Palais de justice de Montréal.
La modernité architecturale est un phénomène complexe qui ne peut être réduit à une déclinaison de styles. Nous préférons l’aborder en terme de stratégie formelle, projectuelle variable suivant les valeurs partagées par l’architecte et son client.
pour aller plus loin
Fondation Boghossian, en ligne http://www.villaempain.com/fr/index.php?page=1. Consulté le 17 décembre 2012.
«Hôtel Empain», Région de Bruxelles-Capitale. Inventaire du patrimoine architectural, en ligne http://www.irismonument.be/fr.1001.Avenue_Franklin_Roosevelt.67.html. Consulté le 17 décembre 2012.