FIG. 1
Avant-façade bioclimatique du bâtiment A22, campus Pessac Talence Gradignan, université de Bordeaux (2013-2018). © Photo: AUA, Paul Chemetov.

Deux livraisons de la revue française In Situ sur le patrimoine du XXe siècle

Sont consacrés au patrimoine du XXe siècle, les deux des dernières livraisons d’In Situ. Revue des patrimoines, périodique semi-annuel virtuel édité par le ministère de la Culture de la France. Le numéro 47 paru en 2022 est sous-titré : Valeurs, doctrines et politiques publiques de reconnaissance, tandis que le 49, récemment mis en ligne, se penche sur les enjeux opérationnels et les questionnements contemporains.

Le dernier thème est décliné en trois sujets : Héritages et controverses ; l’injonction énergétique ; des projets et leurs vicissitudes. Particulièrement d’actualité est le second. Quatre articles abordent les défis énergétiques posés par le patrimoine moderne qu’il s’agisse du logement, de bâtiments universitaires, d’équipements autoroutiers ou encore de murs-rideaux de verre et de métal.

Le dernier sujet traité par deux doctorants de l’École polytechnique de Milan, Tanja Marzi et Lorenzo Savio, est introduit par la critique faite par Le Corbusier du mur-rideau de l’immeuble du Secrétariat de l’ONU conçu par Wallace K. Harrison. L’architecte français qui avait été écarté du groupe international d’architectes, prévient de l’inconfort d’une telle solution technique causera, par temps ensoleillé comme par temps froid. Il restait persuadé que sa proposition de la façade à double vitrage connue sous le nom de « mur neutralisant » était plus efficace.Difficile de préserver de mince enveloppe de verre et de métal telle celle de New York tout en répondant aux normes énergétiques contemporaines constatent les auteurs, notamment en analysant trois interventions sur des édifices en Italie.

Il est aussi question de préservation de façades dans l’article intitulé « La réhabilitation énergétique au défi du patrimoine universitaire des années 1960 : deux études de cas » signé par Grégory Azar, maître de conférence à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Est. En fait, trois cas sont considérés, deux portant sur des édifices du campus Lyon Tech-la Doua à Villeurbanne et une concernant l’immeuble de la Faculté de Pharmacie localisé sur le site Timone à Marseille.

Du point de vue architectural et technique, les bâtiments universitaires de Villeurbanne et de Marseille sont forts différents : pour les deux premiers, l’un présentait un mur rideau conçu et fabriqué par la CIMT-Jean Prouvé et l’autre, une façade en béton habillée de pierre, tandis que le troisième expose la structure de béton traitée en brise-soleil dans laquelle s’insère en retrait des châssis en bois. Tout aussi différentes sont les stratégies de réhabilitation retenues : remplacement total ou partiel, encapsulage du bâtiment dont les façades sont conservées. La dernière intervention n’est pas sans faire penser au « mur neutralisant » de Le Corbusier ou encore à l’enveloppe de verre protégeant les façades de béton du Grand Théâtre de Québec.

Outre de décrire les solutions retenues, Grégory Azar porte un regard critique sur les modalités contractuelles de leurs réalisations. Celles-ci sont à situer dans la foulée du Grenelle de l’environnement I et II qui a conduit à légiférer en 2002 et 2010 afin entre autres de « réduire les consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 », comme le rappelle l’auteur. Il note de plus que, dans le cas du campus Lyon Tech-la Doua, est intervenu dans le choix des solutions la volonté de renouveler l’image du campus, un objectif difficilement compatible avec une démarche de préservation.

Les deux volumes sont annoncés comme traitant du patrimoine du XXe siècle « en Europe ». Le numéro 47 déborde néanmoins les frontières établies puisqu’un article est consacré au Québec. À titre de professeure, j’ai profité de l’appel à articles lancé en 2021 pour en proposer un s’interrogeant sur la difficile reconnaissance du patrimoine moderne, comme l’a démontré la modification de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec. Sous le titre « Au Québec, le patrimoine de la modernité, au défi de la mémoire collective », nous avons cherché à comprendre les raisons du rejet toujours persistant de l’architecture moderne, en nous arrêtant à trois cas emblématiques : la rénovation du quartier Milton-Parc à Montréal, la modernisation de la Colline parlementaire à Québec et la construction du Parc olympique de Montréal pour les Jeux olympiques d’été de 1976.

Sont consacrés au patrimoine du XXe siècle, les deux des dernières livraisons d’In Situ. Revue des patrimoines, périodique semi-annuel virtuel édité par le ministère de la Culture de la France. …

Situer sur la carte

FIG.2
Vue aérienne du complexe La Cité (1972-1977), Montréal. © Photo: Pierre Lahoud 2015.

pour aller plus loin

« Patrimoine architectural du XXe siècle en Europe. Enjeux opérationnels et questionnements contemporains », In Situ. Revue des patrimoines, n° 49 (2023), en ligne.

« Patrimoine architectural du XXe siècle en Europe. Valeurs, doctrines et politiques publiques de reconnaissance », In Situ. Revue des patrimoines, n° 47 (2023), en ligne.

Gutérrez, Rosa Urbano, « Pierre, revoir tout le système fenêtres’: Le Corbusier and the Development of Glazing and Air-Conditioning Technology with the Mur Neutralisant (1928–1933) », Construction History, vol. 27, 2012, p. 107–128.

articles