Le restaurant du 9e d’Eaton à Montréal
Le restaurant du 9e fut construit au début des années 1930, alors que trois étages étaient ajoutés au grand magasin qui, sur la rue Sainte-Catherine, à un bloc à l’ouest du square Philipps et tout à côté de la cathédrale Christ Chuch (1860), avait été rénové et agrandi. En 1925, la firme T. Eaton Company de Toronto avait acheté l’immeuble commercial que Goodwin’s Limited opérait depuis 1911. Les travaux étaient réalisés sous la conduite des architectes Ross & Macdonald, l’une des agences canadiennes les plus importantes et les plus prolifiques avant la Deuxième Guerre mondiale, avec la collaboration de leur confrère français Jacques Carlu (1890-1976) pour l’aménagement du dernier niveau.
Grand Prix de Rome 1919, en architecture, Jacques Carlu n’était pas retourné au pays après son séjour dans la ville éternelle. Un comportement inhabituel pour un lauréat du concours qui couronnait la formation à l’École des beaux-arts de Paris; un grand avenir professionnel attendait en France ses récipiendaires, la commande publique leur étant réservée. Ayant établi des liens avec des condisciples américains, Carlu partageait son temps entre la France et les États-Unis, à titre de directeur des Écoles d’art américaines que fréquentaient les étudiants d’outre-Atlantique durant l’été, d’une part, et de professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston, d’autre part. Alors qu’il retournerait à Paris, poussé par l’âpreté de la crise, il serait nommé architecte en chef de la section française des beaux-arts à l’Exposition de Bruxelles 1935 ainsi que du Palais du Trocadéro érigé sur la colline de Chaillot à Paris, dont la rénovation était envisagée depuis 1932 et le choix du site pour la prochaine exposition universelle prévue en 1937.
À Montréal, le restaurant du 9eoccupait tout l’étage supérieur du grand magasin Eaton, son cœur étant la vaste salle à manger de plus de 400 convives. Sa configuration dérive de l’architecture religieuse, sa coupe étant celle d’une nef à trois vaisseaux. L’accès était assuré par une double batterie de sept ascenceurs qui débouchaient dans le foyer-promenoir qui l’embrasse sur trois côtés, le quatrième étant réservé à la cuisine. Son décor est somme toute assez sobre, murs en platre ou recouvert de tapisserie, pilastres revêtus de marbre vert importé de France ou noir de Belgique, garde-corps aux lignes horizontales en acier satiné, plancher en linoléum bicolore ou encore parquet de chêne et de noyer dans le hall. S’y ajoutent des œuvres d’art : les bas-reliefs de Denis Gelin (1895-1970) qui ponctuent le haut des murs latéraux de la grande salle et deux hautes murales sur le thème de la chasse d’Anne Pecker (1895-1972) installées dans l’axe longitudinal, à l’aplomb de l’estrade qui ponctue chacune des extrémités et qu’encadrent des vases monumentaux en albatre. Les éléments de mobilier sont des créations de Carlu, fabriqués par des artisans locaux.
Ouvert le 23 janvier 1931, le restaurant a accueilli clientes et clients pendant près de soixante-dix ans. Fermé le 19 octobre 1999, dans la foulée de la faillite d’Eaton, il a été classé monument historique dans le cadre de la Loi sur les biens culturels, le 24 juillet 2000, sous le nom de restaurant de L’Île-de-France. Cette dénomination renvoie à celle du paquebot éponyme mis en service par la Compagnie générale transatlantique en 1927 et dont le décor résolument moderne tranchait avec l’historicisme de ses concurrents, symbolisant le plaisir de vivre à la française. À l’époque, Paris était la capitale mondiale des arts, le foyer d’un nouvel art décoratif dans la foulée de l’Exposition de 1925.
Ouvert le 23 janvier 1931, le restaurant a accueilli clientes et clients pendant près de soixante-dix ans. Fermé le 19 octobre 1999, dans la foulée de la faillite d’Eaton, il a été classé monument historique dans le cadre de la Loi sur les biens culturels, le 24 juillet 2000, sous le nom de restaurant de L’Île-de-France.