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Le bois lamellé-collé, un matériau qui se distingue à Saint-Lambert

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Les expositions universelles sont toujours de belles vitrines technologiques. Si, à Paris, en 1889, l’acier était la vedette des matériaux structuraux et, à Bruxelles, en 1935, le béton armé, en 1958, toujours dans la capitale belge, le rôle de premier plan fut joué par un matériau bien traditionnel, le bois. Traditionnel, sans doute, mais transformé par la science et l’industrie : le bois lamellé-collé s’affichait notamment dans les magnifiques pavillons de la Norvège et de la Finlande. Les qualités ambivalentes de ce matériau, familier et performant, feraient son succès.

Arcs et structures spatiales en bois lamellé-collé au grand potentiel architectural, magistralement mis en œuvre, confèrent un caractère unique aux édifices modernes. Au Canada, ce potentiel du matériau n’avait pas échappé au Conseil canadien du bois dont une publicité conseillait en 1965 : « Pour la grandeur des églises de n’importe quelle taille, utiliser du bois… et votre imagination ». L’annonce précise de plus que les arcs en bois lamellé permettent des plafonds très hauts et de grands espaces libres et constate qu’il « n’y a rien dans le monde comme le bois pour créer un environnement propice à l’adoration » (Canadian Wood Council 1965). Au Québec, les architectes ont réussi à exploiter ces qualités du lamellé-collé. Le matériau apparait en toute franchise à l’église Christ-Roi à Joliette, conçue par les architectes René & Gérard Charbonneau (Anon 1954), de même que dans la plupart de celles construites par Roger D’Astous (Conseil du patrimoine de Montréal 2003). Mais, le lamellé-collé afficha ses prouesses structurales dans un autre type de bâtiment, locus d’une expérience néanmoins quasi religieuse : les arénas, ces temples laïques du hockey, comme en témoigne dans la grande région de Montréal, celui de Saint-Lambert. Comme les églises, les arénas nécessitent de hauts plafonds et des couvertures de grande portée; comme les églises, les arénas sont des espaces lourds de significations, de traditions et de rituels : les amateurs s’y rencontrent pour vénérer leurs équipes favorites, finissant par établir une relation affective avec le lieu (Shubert 1998).

Les citoyens de Saint-Lambert ont montré leur attachement à l’aréna Éric-Sharp construit en 1966, alors qu’il était question de le démolir dans les premiers mois de 2013. Sans doute par certains de ses aspects le bâtiment est devenu désuet, mais il reste assez exceptionnel par son élégante toiture à la charpente en bois lamellé-collé. Face à cette menace, la Société d’histoire locale a même demandé son classement dans le cadre de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec. Comme de nombreux édifices de ce type qui ne répondent plus aux normes ou se montrent trop petits, il devait laisser place à une nouvelle construction.

Le but du présent dossier thématique est de mettre en perspective historique ce système d’ingénierie et de discuter de la valeur patrimoniale de l’aréna de Saint-Lambert, en le comparant à deux autres : l’aréna de Ville Mont-Royal et l’aréna Martin Brodeur de Saint-Léonard.

Histoire et développement du lamellé-collé

Le lamellé-collé est un système d’ingénierie où des pièces de bois, de faible section, sont collées les unes sur les autres de façon à constituer des éléments porteurs rectilignes ou courbes de grande envergure, relativement légers et extrêmement résistants. Avec la technologie de lamellation, la taille d’un membre en bois n’est plus limitée par les attributs de l’arbre et son cintrage se libère de la longue procédure du courbage à la vapeur. Le lamellé-collé, qui a rendu économiquement possible la construction en bois aux formes de configuration pratiquement illimitée, connut un grand succès en Europe et en Amérique du Nord dans les années 1960 (Gower 1965).

La technique de lamellation du bois est pratiquée depuis le XVIe siècle et l’invention par l’architecte français Philibert Delorme d’un nouveau type de charpente dite « à l’impériale », en courbe et contre-courbe, qu’il réalisa en assemblant de courtes planches de bois solidarisées par des clavettes. Elle fut développée au XVIIIe siècle en introduisant de nouvelles solutions d’assemblage, soit par clous ou par boulons (Leloy 2010). Au siècle suivant, la liaison par collage fut introduite dans un pont construit en 1809 par l’ingénieur allemand Carl Friedrich Von Wiebekink à Altenmark, en Bavière (Booth, L.G. 1971; Foliente 2000). À l’époque, des étriers métalliques étaient aussi utilisés pour solidariser les planches de bois (Leloy 2010).

La charpente en bois lamellé-collé telle qu’on la connait aujourd’hui serait apparue pour la première fois en 1860, dans la construction de la salle de réunion du collège du Roi Edward à Southampton (Leloy 2010). D’autres bâtiments anciens témoignent d’un usage précoce de la technique : une église datant de 1869 à Victoria, en Australie (Foliente 2000); la Sangerfest Halle bâtie en 1893 à Bâle, en Suisse, et le Reichstag (1890) à Berlin (Rhude 1998).

La technique moderne du bois lamellé-collé fut brevetée en 1900 par le charpentier allemand Otto Hetzer. La méthode, qui portait désormais son nom, se répandit rapidement à travers l’Europe. Cependant, elle tomba en désuétude pendant la Première Guerre mondiale vu la stagnation du secteur de la construction, mais encore vu la pénurie de lait dont était extraite la caséine utilisée pour coller les lamelles de bois. Il faudrait attendre les années 1950 pour la voir réapparaître (Rhude 1998).

Dans l’intervalle, le bois lamellé-collé fut introduit en Amérique du Nord par l’architecte et ingénieur civil Max C. Hanisch, Sr., disciple d’Otto Hetzer qui avait émigré aux États-Unis. En 1934, Hanisch conçut la première charpente arquée en bois lamellé-collé pour la couverture d’un gymnase scolaire à Peshtigo, au Wisconsin (Rhude 1998) qu’il réalisa avec la collaboration de charpentiers de marine. Le contexte était favorable : depuis les années 1930, des colles plus performantes permettaient des assemblages dont la résistance est supérieure à celle du bois et les progrès faits dans la conception et la fabrication des structures poussaient toujours plus loin leurs performances (Foliente 2000). Nonobstant, la Commission industrielle du Wisconsin exigea l’ajout de boulons et d’étriers en métal pour consolider les arcs (après l’achèvement du gymnase, de tels renforcements ne seraient plus jamais requis). Toujours en 1934, Hanisch construisit un bâtiment pour le Laboratoire des produits forestiers à Madison (Rhude 1998). À la fin de la décennie, le bois lamellé-collé était fabriqué par de nombreuses entreprises et mis en œuvre dans toute une variété de bâtiments, allant de l’église aux bâtiments industriels et agricoles (Moody et Hernandez 1997).

Si la Grande Guerre avait été responsable du déclin du lamellé-collé en Europe, la Seconde Guerre mondiale favorisa son usage extensif aux États-Unis. Alors que l’acier était réservé à la fabrication des armes et des munitions, le bois lamellé-collé s’imposa pour la construction des charpentes des dépôts et des hangars d’aviation. Les commandes militaires stimulèrent le développement de technologies permettant d’augmenter les portées, tout en réduisant les délais et les coûts de construction. Ensuite, avec la mise au point de colles résistantes à l’eau, le matériau fut aussi utilisé pour des ponts et autres structures extérieures. Après la guerre, il y avait une douzaine d’usines de lamellé-collé aux États-Unis qui produisaient principalement pour le marché intérieur et ceci jusqu’aux années 1980 (Moody et Hernandez 1997; Moody, Hernandez et Liu 1999).

Tout comme la charpenterie traditionnelle en bois massif, la conception des structures en lamellé-collé profita de l’avancement des recherches portant sur le comportement des connexions et des systèmes d’assemblage, ainsi que sur les effets du feu, du séchage et des agents de conservation sur les propriétés mécaniques du matériau. Des structures spatiales comme les dômes étaient désormais faisables en éléments de faibles sections, et les charpentes devinrent plus économiques, sans perdre leur attrait architectural. Un développement important des années 1960 fut l’introduction des joints en dentures multiples. Avant d’être collées l’une sur l’autre, les planches sont scarifiées aux extrémités et assemblées bout à bout sur un presse spéciale, assurant une liaison aussi solide que les pièces elles-mêmes. Ce procédé permit la fabrication d’éléments de très grande longueur. Dès lors, les seules limites de taille pour les éléments structuraux sont celles liées au transport et à l’érection, des obstacles que permet de surmonter l’assemblage in situ de poutres courtes, plus faciles à déplacer (Gower 1965; Hall 1965). Combinés, ces développements permettent la réalisation de structures en bois de grande portée pour les ponts ferroviaires, les bâtiments d’entrepôts et, bien sûr, les arénas.

Le lamellé-collé au Canada et au Québec

Les premières statistiques sur la production du bois lamellé-collé au Canada remontent au milieu des années 1950 et elles révèlent que celle-ci s’intensifia chaque année au cours de la décennie suivante (Canada. Commission sur les pratiques restrictives du commerce 1967). Les avantages et les avancées technologiques du matériau étaient divulgués dans la presse spécialisée qui soulignait par ailleurs la modernité des charpentes en bois lamellé-collé. Il était utilisé avec succès pour la couverture des usines de papier et de grands entrepôts d’engrais et de potasse, dont les milieux agressifs corrodent les structures en acier (Hall 1965).

Cependant, comme souvent avec les nouvelles technologies, le lamellé-collé inspirait une certaine méfiance non seulement aux commissions responsables de l’approbation des projets, mais également aux architectes et aux ingénieurs. Aussi, pour inciter les concepteurs à préférer ce matériau à l’acier ou au béton, les fabricants canadiens eurent recours à divers moyens, s’engageant notamment à réaliser gratuitement études et dessins techniques, avant même d’obtenir le contrat d’approvisionnement. En 1967, au Québec et en Ontario, les fournisseurs de poutres lamellées-collées furent même accusés de collusion par la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, en voulant éliminer la concurrence en court-circuitant les appels d’offres (Canada. Commission sur les pratiques restrictives du commerce 1967).

Dans les années 1950 et 1960, au Canada, les essences les plus courantes pour la fabrication du bois lamellé-collé venaient de la côte ouest du pays : le sapin de Douglas, le mélèze occidental et la pruche de l’Ouest. Les fabricants de l’est s’approvisionnaient à l’ouest, se fournissant en bois de contreplacage, sinon en pièces déjà lamellées et collées dont ils assuraient la finition. Jusqu’au milieu des années 1950, une seule usine existait au Québec, la Laminated Structures Limited établie à Louiseville, une entreprise dont les produits étaient aussi distribués par la Steel & Timber Structures Limited. Cependant, celles-ci ne bénéficiaient pas d’un monopole, la Timber Structures Division de Peterborough (Ontario) commercialisait aussi le produit. En 1958, la Steel & Timber Structures délégua la production du bois lamellé-collé à la Laminex Products Limited, qu’elle venait d’établir au Cap-de-la-Madeleine en copropriété avec l’American Fabricators Ltd de South Burnaby (Colombie-Britannique). En 1960, une troisième société, la Lamco Structure Limited ouvrit ses portes à Montréal (Canada. Commission sur les pratiques restrictives du commerce 1967).

Au Québec, la charpente en bois lamellé-collé fut d’abord utilisée pour la construction d’écoles et d’entrepôts commerciaux. Mais un rapport de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce au Canada datant de 1967 constate : en « raison de ses qualités esthétiques, le bois lamellé-collé s’est vite imposé dans la construction des églises où les arches constituent un élément architectural ». Cependant, si les églises définissent l’identité catholique du Québec, la face profane de sa culture est marquée depuis le début du XXe siècle par un autre type de bâtiment : les arénas. La demande pour ce type d’équipement était forte dans les années 1950 et 1960, alors la population des villes était en croissance et que de nouvelles banlieues étaient développées. Il fallait construire rapidement et étaient appréciés les matériaux et les systèmes constructifs capables d’éviter la présence de colonnes dans les estrades qui gênaient la vue des spectateurs. Pour répondre à ces attentes, la technologie du lamellé-collé fut associée à un nouveau système de préfabrication de bâtiments à grande portée libre, la hutte « Quonset ».

Typologie structurelle des arénas en lamellé-collé

Le terme Quonset fait référence à un type de construction temporaire largement utilisé par les forces armées des États-Unis au cours du Second conflit mondial et qui dérive de la hutte semi-circulaire Nissen en métal utilisé par l’armée britannique pendant la Première Guerre (Anon 1941). La structure Quonset est formée d’une suite d’arcs en acier s’appuyant sur le sol et recouverte de tôles métalliques ondulées, constituant donc à la fois la couverture et les murs. Quonset est aussi le nom de la ville dans le Rhode Island où étaient fabriquées les kits tout acier distribués partout dans le monde afin d’ériger rapidement toutes sortes de bâtiments (Anon. s.d.). Elle présente des variantes : la hutte « Quonset modifié » a des parois latérales verticales afin de rentabiliser l’espace utile intérieur. De plus, une version utilitaire ou «éléphant» fut mise au point; le modèle original mesure 16′ x 36′ ou 16′ x 20′, la version utilitaire atteint 40′ x 100′. De plus, étant donné le rôle stratégique de l’acier en temps de guerre, le bois lamellé-collé le remplaça pour la structure de la « hutte du Pacifique », éliminant ainsi le risque de rouille et minimisant le transfert de chaleur par les ponts thermiques (Anchorage Museum of History and Art and Alaska Design Forum s.d.).

La solution Quonset a été retenue pour de multiples installations, parmi lesquels des arénas. Nombre ponctue le paysage urbain du Québec (Dryden and MacGregor 1989). Cependant, ces bâtiments ne sont pas complètement préfabriqués, mais leurs enveloppes reprennent cette configuration. Les arénas à Leader (1956), Govan (1964) et Macrorie (1966) en Saskatchewan et l’aréna d’Oakville (1963) au Manitoba sont tous directement inspirés du type Quonset à arc lancéolé (pointu), sans pour autant mettre en oeuvre le bois lamellé collé. Avant, les arénas étaient couverts de toitures de conception traditionnelle et, fréquemment, des éléments structurels gênaient la vue des spectateurs, comme dans l’aréna Jacques-Plante à Shawinigan, Québec (1937). De plus, les structures en bois massif étaient très complexes, comme en témoigne la charpente en arc segmenté de du North Sydney Forum (1947) en Nouvelle-Écosse. Grâce aux avancées technologiques du lamellé-collé, des arcs entiers purent être réalisés.

En l’absence d’inventaires des arénas de hockey du Québec et du Canada, il est impossible de dénombrer celles construites sur le modèle Quonset et/ou mettant en oeuvre le lamellé-collé. Par ailleurs, les journaux spécialisés ne constituent pas une source d’information précieuse vu qu’ils n’apportèrent pas un grande attention à ce type de bâtiment, à la différence des églises. Parfois même, le matériau n’a pas bonne presse, comme dans le cas de l’effondrement de la structure de l’aréna à Listowel, Ontario, en 1959, quatre ans après sa construction (Legget 1960).

Étude de cas

Pour nous faire une idée de la valeur de l’aréna Éric-Sharp à Ville Saint-Lambert, nous avons identifié deux autres bâtiments de ce type dans la région de Montréal que nous avons découvert au gré de nos explorations de terrain de l’architecture moderne : ceux de Ville Mont-Royal et Saint-Léonard. Construits dans les années 1950 et 1960, ils présentent tous des charpentes en bois lamellé-collé connectées par des éléments métalliques.

L’aréna de Ville Mont-Royal

L’aréna de Ville Mont-Royal fut érigé à proximité de l’hôtel de ville en 1956, selon les plans de l’architecte Charles Grenier et des ingénieurs-conseils Brouillet & Carmel et par l’entrepreneur Godard Frères Ltée. En 1957, la revue Architecture, Bâtiment, Construction présentait sa structure en ces termes : « assez intéressante, se compose d’arches en bois laminé, reposant sur de piliers de béton et renforcies par un système de fermes également en bois laminé, le tout d’une portée de 138 pieds » (Anon. 1957). Dans cette charpente, seuls les arbalétriers cintrés et les entraits sont en lamellé-collé, alors que les autres éléments sont en bois massif. Le plafond est également en bois solide, matériau très apprécié des joueurs de hockey et des passionnés du sport pour sa qualité acoustique.

En 1957, le lamellé-collé attirait toujours l’attention, même s’il n’était plus une nouveauté, même s’il était mis en oeuvre sans grande audace. Grâce au système de treillis, la section des arbalétriers cintrés de la charpente a pu être réduite, mais la structure de l’aréna de Ville Mont-Royal dans son ensemble est de conception traditionnelle. À l’époque, les concepteurs d’églises se montraient plus hardis, malgré que l’espace sacré n’exige pas une même envergure que l’espace profane du hockey.

L’aréna Martin-Brodeur de Saint-Léonard

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Nommé en l’honneur du joueur de hockey Martin Brodeur en 2000, le premier aréna de Saint-Léonard fut construit en 1967 sur le boulevard Lacordaire. Il fut conçu par les architectes Lemieux et Forcier, en collaboration avec les ingénieurs-conseils Lalonde-Girouard-Letendre. La forme du bâtiment ne peut être plus simple et plus fonctionnelle : une grande toiture voutée qui descend presque jusqu’au sol, les arcs de la charpente s’appuyant sur de larges empattements en béton armé. Seuls ces éléments massifs qui rythment les façades longitudinales différencient le volume du bâtiment de celui d’un gymnase ordinaire. Ainsi qu’à l’aréna de Ville Mont-Royal, cette conception architectonique est adéquate pour un bâtiment faisant partie d’un complexe sportif, éloigné des secteurs résidentiels. L’envergure des arcs en bois lamellé-collé de la charpente est imposante : elle embrasse la patinoire, les couloirs latéraux et les estrades. Ils sont formés de deux éléments dont la jonction au sommet est solidarisée par une pièce d’acier, tout comme leurs appuis sur les fondations de béton. Les voliges du plafond en bois reposent sur des pannes massives et les murs extérieurs sont en blocs de ciment revêtus d’un parement de brique à l’extérieur.

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L’aréna Eric-Sharp de Saint-Lambert

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 Inauguré en 1966, l’aréna de Saint-Lambert implanté le long de l’avenue Oak fut conçu par l’architecte J. W. Cooke avec la collaboration des firmes d’ingénieurs-conseils Malkin, Hoskin & Binghan et Amyot, Bahl, Derome & Associés. Ici, Cooke explora magistralement les possibilités structurelles, formelles et esthétiques du bois lamellé-collé. Au-dessus de la patinoire, le matériau donne forme à l’impressionnante charpente de la couverture, une voute à double courbure : convexe en périphérie du bâtiment, à hauteur des estrades, et concave dans l’axe longitudinal de la patinoire. Cette forme du toit réduit le volume intérieur et, par conséquent, les coûts de chauffage. De plus, il en résulte un édifice de hauteur réduite à front de rue, respectant ainsi l’échelle des habitations de l’avenue Oak.

Dans la charpente, uniquement les pannes sont en bois massif. Jouant sur le nombre de couches, la section des arbalétriers courbes en bois lamellé-collé varie : elle est plus étroite au faîte, plus large dans la courbe inférieure, où les efforts structurels sont plus importants. À la base, Il faut retenir une structure en arc afin d’empêcher son évasement. Dans l’aréna de Saint-Léonard, cet effort est transmis directement au sol par les empattements en béton armé. À Ville Mont-Royal, les arbalétriers sont cintrés au niveau de la partie supérieure des murs, une solution plus économique, mais qui crée un fouillis de voiles et d’arrimage. À Saint-Lambert, la charpente de la couverture, contreventée au niveau des estrades par des montants latéraux, ne nécessite pas de tirants, ce qui dégage l’espace de la patinoire. De plus, les contreventements soulignent visuellement les poutres, et, par leur proximité des spectateurs, ils favorisent un contact tactile avec le matériau.

Conclusion

L’utilisation des produits du bois d’œuvre et industrialisé dans la construction non résidentielle ne date pas d’hier, comme en témoignent nombre d’arénas et d’églises érigées depuis l’après-guerre. Avant l’avènement du lamellé-collé, les charpentes de grande envergure ne pouvaient pas être construites en bois. À l’aréna de Saint-Lambert, presque toutes les possibilités du lamellé-collé sont exploitées, en jouant sur les courbes et contre-courbes. Par contre, celle de Ville Mont-Royal aurait pu être construite en acier et les arcs de Saint-Léonard exécutés en béton armé. Parmi les cas considérés, l’aréna de Saint-Lambert se démarque, alors que celle de Mont-Royal est la plus banale et son intérêt uniquement tient dans sa charpente, dont le dessin n’est pas sans conséquence sur l’insertion urbaine «douce» d’un édifice d’une telle taille. Cet aspect du bâtiment a été reconnu par le ministère de la Culture et des Communications qui n’a cependant pas recommandé le classement, sa valeur patrimoniale n’étant pas de niveau national. Du côté municipal, l’intérêt de la charpente a aussi été reconnu, sa conservation étant maintenant envisagée. Conservation et développement durable convergent finalement ici.

Rappelons-nous qu’au départ, l’opposition à la démolition de l’aréna de Saint-Lambert était plus motivée par des raisons écologiques que patrimoniales. Pourquoi «jeter à la dompe» un bâtiment en relativement bon état et encore apprécié par bien des citoyens ? La sauvegarde de la charpente vient en quelque sorte légitimer la filière bois privilégiée par le ministère des Ressources naturelles du Québec depuis 2008, en lui conférant une profondeur historique. L’objectif de la politique vise à accroître l’utilisation de cette ressource est autant économique qu’environnementale, faire du secteur forestier une industrie florissante et innovante et atténuer l’émission de gaz à effet de serre (La filière bois : des constructions vertes). Afin d’encourager la construction non résidentielle en bois un prix d’excellence a même été créé en 2010 : le Prix Cecobois, dont le lauréat 2013 est l’aréna de l’Université du Québec à Chicoutimi. Cet édifice présente un bilan très favorable en terme d’émission de gaz à effet de serre, il permet le séquestre de 146 tonnes CO2éq de l’atmosphère attribuables au bois de sa charpente, moins 10 tonnes, dont la majeure partie est due au transport des poutres de Chibougamau à Chicoutimi. Un tel bilan est maintenu, tant que le bâtiment n’est pas démoli.Ulysses Munarin-28-10-2013

 

Bibliographie

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